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Qu'est-ce que l'officialité ?

Également appelée « tribunal ecclésiastique », l'officialité est chargée par l'évêque d'exercer le pouvoir judiciaire conformément au code de droit canonique et à la jurisprudence de l'Église universelle. Ce pouvoir est ainsi exercé par délégation de l'évêque sur le plan local (diocésain ou, dans la plupart des cas, interdiocésain), sous la responsabilité d'un prêtre appelé vicaire judiciaire ou encore official. Les autres tribunaux ecclésiastiques, au niveau romain, sont la Pénitencerie apostolique, la Rote romaine, ou encore le Tribunal suprême de la Signature apostolique. La Congrégation pour la doctrine de la foi, autrefois appelée Saint-Office, possède une compétence judiciaire exclusive pour les délits « les plus graves ».

Le principe d'une justice interne à l'Église remonte à saint Paul lui-même, qui recommande aux chrétiens de Corinthe (Lettre aux Corinthiens 6) de ne pas soumettre leurs litiges à des personnes extérieures à la communauté. Le code de droit canonique de 1983 précise que l'Église peut juger « des causes qui regardent les choses spirituelles et celles qui leur sont connexes ; de la violation des lois ecclésiastiques et de tous les actes qui ont un caractère de péché, en ce qui concerne la détermination de la faute et l'infliction de peines ecclésiastiques » (can 1401).

Les sentences des officialités n'ont de valeur que pour la conscience des fidèles, la vie sacramentelle ou la vie interne de l'Église. En France, et dans la plupart des pays européens, elles n'influent pas sur la vie civile. Mais pour quelques-uns, par exemple en Italie ou en Espagne, une nullité de mariage reconnue canoniquement prend effet également civilement.




Qui siège à l'officialité ?

L'officialité est constituée de juges, d'avocats, de « défenseurs du lien » (l'équivalent du procureur dans les procès civils), de notaires ecclésiastiques (qui font office de greffiers et qui authentifient les actes du procès), et d'auditeurs, qui se chargent de recevoir les personnes pour l'instruction de leur dossier. En ce qui concerne l'official et les vices-officiaux (ses adjoints), il s'agit de prêtres. En revanche, les juges diocésains, avocats ou encore notaires peuvent être des laïcs.




Quelles sont les origines de l’officialité de Marseille ?

A partir du XIIème siècle, l’Official a pour fonction de rendre la justice au nom de l’évêque. Dès 1260, un official est érigé à Marseille, ainsi que l’a écrit le père Pierre Fontez dans sa thèse sur Les origines de l’officialité de Marseille et ses conditions socio-économiques, en octobre 1975.

C’est au XXème siècle et dans la période correspondant au Concile Vatican II que s’est mise en place, selon différentes étapes, l’organisation pastorale et administrative actuelle, fondée sur une compétence géographique pluridiocésaine (Aix, Avignon, Ajaccio, Digne, Gap, Marseille, Fréjus-Toulon, Nîmes, Monaco).

Le Tribunal régional de première instance a été constitué par décret de la Sacrée Congrégation des Sacrements du 17 février 1965 «ad experimentum » pour une durée de dix ans, pour les causes matrimoniales des diocèses de la province ecclésiastique d’Aix-en-Provence. Le rescrit du 17 juillet 1969 de la Signature apostolique y adjoignit les diocèses de Nîmes et d’Avignon.

Si les premiers tribunaux régionaux avaient été constitués en France dès 1965, le Code de Droit Canonique de 1983 confirme cette possibilité donnée à plusieurs évêques de constituer un seul tribunal au niveau régional.

Le 9 février 1982, par décret de la Signature apostolique, le Tribunal interdiocésain de Marseille est déclaré compétent pour le diocèse de Monaco (décret prorogé sine die le 22 mars 1999).

Outre sa compétence en matière de causes de nullités matrimoniales, le Tribunal connaît des causes contentieuses et pénales (décret du Tribunal Suprême de la Signature apostolique du 17 avril 1968) et intervient dans l’instruction des causes de béatification et canonisation.

Juges, défenseurs du lien, promoteurs de justice, notaires, avocats, travaillent à l’officialité.




Comment se passe un procès canonique à l'officialité ?

La personne qui souhaite engager une procédure est orientée vers un avocat ecclésiastique. Celui-ci la guide pour rédiger le mémoire des faits qui fondent sa demande. Vient ensuite le temps de l'instruction, des auditions, puis de la discussion de la cause et son jugement. Dans le cas des demandes de nullité de mariage, c'est-à-dire la très grande majorité des causes jugées par les officialités, les auditions sont précédées par la citation de « l'autre conjoint », celui qui n'a pas fait la demande de reconnaissance de nullité. Il doit également être entendu lors des auditions.




Pourquoi une justice d'Église ?

Le principe d'avoir une justice interne à l'Église remonte à saint Paul. Dans l'épître aux Corinthiens, il recommande aux responsables des communautés chrétiennes de ne pas soumettre leurs litiges internes à d'autres que les chrétiens. Très vite, les conflits remontent, de fait, à l'évêque. Ainsi, Constantin donne « force civile » aux décisions des évêques et va permettre aux fidèles de recourir à l'arbitrage de ces derniers pour toutes les affaires. D'ailleurs, durant le Moyen Âge, les requérants vont plus facilement devant les tribunaux ecclésiastiques que civils, car la procédure y est écrite, faite sur enquête, moins onéreuse et, surtout, elle ne varie pas selon les coutumes locales.

Avec l'Inquisition, les tribunaux ecclésiastiques s'organisent : l'Église met alors en place sur tout le territoire un système judiciaire avec des tribunaux dans chaque diocèse, les officialités. Lorsqu'il estime cette organisation locale insuffisante pour défendre les besoins de la foi, le pape peut décider de créer une fonction d'inquisiteur, juridiction d'exception, à qui il délègue toute son autorité. Paradoxalement, sur le plan du droit, les tribunaux d'inquisition ont représenté un progrès. En effet, toute la procédure se faisait de manière codifiée et par écrit, contradictoire, alors qu'à la même époque des tribunaux civils recouraient à l'ordalie (jugement de Dieu, par une épreuve physique) pour émettre des sentences.




Comment sont organisés aujourd'hui les tribunaux ecclésiastiques ?

En principe, il y a une officialité par diocèse, mais actuellement la plupart des diocèses se sont regroupés au niveau de la province pour créer des tribunaux interdiocésains. Le tribunal juge au nom de l'évêque, qui nomme les juges. Il comprend aussi un promoteur de justice (équivalent du ministère public) ou défenseur du lien dans les causes de mariage, un notaire, sorte de greffier, des avocats, des procureurs (équivalent des avoués). Aujourd'hui, des laïcs peuvent être juges, avocats, procureurs, notaires. Pour être juge ou avocat, il faut, en principe, avoir une licence ou un doctorat en droit canonique.




Que jugent ces tribunaux ?

Des affaires internes de l'Église, sachant que tout est codifié dans le droit canonique, qui garantit les droits de chacun. Ils peuvent être saisis en matière administrative, contentieuse ou pénale. Cependant, l'activité principale du tribunal ecclésiastique concerne les causes contentieuses, et principalement le lien du mariage.




Quels sont les tribunaux romains ?

L'ordonnancement processuel canonique suppose au sommet le Pape titulaire de la magistrature suprême. Il peut exercer la justice directement par lui-même et à ce titre rendre toute décision utile. Il peut aussi, et ce sera le plus usuel, rendre la justice par l'intermédiaire des tribunaux ordinaires du Saint Siège ou de juges auxquels il délègue de façon particulière le pouvoir de juger. Si l'on excepte le Pape, il y a trois juridictions du Siège Apostolique : la Pénitencerie Apostolique, le Tribunal de la Rote Romaine et le Tribunal Suprême de la Signature Apostolique.

La Pénitencerie Apostolique n'a pas de rapport direct avec les invalidités de mariage. Sa compétence concerne le for interne et les indulgences (Constitution Apostolique Pastor Bonus, art. 117-120).

Le Tribunal Suprême de la Signature Apostolique est compétent dans la mesure des articles 122 à 124 de la Constitution Apostolique Pastor Bonus et notamment des recours dans les causes relatives à l'état des personnes où la Rote Romaine a jugé négativement. Un nouvel examen de la cause est possible devant la Signature Apostolique. Ce tribunal s'apparente à un tribunal de cassation encore qu'il n'en revêt pas tous les aspects (CIC, art. 1445).

Le Tribunal de la Rote Romaine est régi par les articles 126 à 130 de la Constitution Apostolique Pastor Bonus. Il est traditionnellement le tribunal qui connaît des causes en troisième instance, même s'il est habilité à connaître de certaines en première instance et qu'il est le tribunal ordinaire pour recevoir les appels (CIC, art. 1443 ; cf. CIC, art. 1444). Il a pour mission par ses sentences de fixer la jurisprudence – les solutions unifiées de l'Église – afin de permettre l'unité devant les juridictions inférieures.




Quelle est la réponse de l'Église catholique aux délits canoniques les plus graves, incluant les abus sur mineurs de la part de clercs ?

Au début de son pontificat, le Pape Benoît XVI a décidé de mener une lutte sans merci contre le crime de pédérastie pratiqué au sein du clergé catholique qui salit l'Église et constitue un péché et un délit très grave. Bien que le nombre de clercs concernés soit en proportion faible, il est encore trop élevé au regard de la nature du délit. Saint Jean Paul II avait déjà, à la fin de son pontificat, changé certaines normes processuelles du Code de droit canonique en adoptant le motu proprio "Sacramentorum sanctitatis tutela" (30 avril 2001). Benoît XVI poursuivit la tâche se rendant compte de l'urgence à agir, avec plus de décision encore et de dureté. Le 21 mai 2010, il promulgue « les normes sur les délits les plus graves » en durcissant les règles antérieures. Le pape ordonna également que soit révisé tout le Livre VI du Code de droit canonique correspondant à la partie pénale, révision qui n'est pas encore achevée.

Les normes de Benoît XVI, claires et fortes, sont obligatoires de deux façons :

  1. collaboration sincère, honnête et loyale avec les autorités civiles, y compris en dénonçant auprès de celles-ci les cas pour lesquels l'Église soupçonne la commission d'un délit d'abus sexuel sur mineurs [ Note : le secret de la confession ne doit pas altérer cette collaboration, qui ne lie que le confesseur du pénitent, et non l'autorité ecclésiastique (comme l'évêque). C'est pourquoi, le droit canonique lui recommande de ne pas écouter en confession ses subordonnés, précisément pour éviter cette situation (c. 984)] ;
  2. réforme du droit canonique pour rendre plus effectif les procès pénaux dans l'Église.

Sur ce dernier point, le Code de droit canonique de 1983 châtie le clerc coupable d'abus sexuels sur mineurs (c. 1395, §2) par la perte de l'état clérical. Le problème n'est pas l'absence de sanction canonique, mais la façon dont elle doit être appliquée. Le Code de 1983 fut élaboré à un moment où la majorité des législations pénales occidentales furent plus indulgentes : avec le temps il a été nécessaire de modifier leur orientation, comme le fut aussi la législation pénale canonique. Par ailleurs, le péché de pédérastie, voire pédophilie, était un tabou social, que les propres familles des mineurs victimes souhaitaient cacher. Ceci ajouté à la crise de l'autorité connue par les évêques dans les années 80-90 a provoqué l'absence déplorable de réaction face à ces crimes.

La procédure en vigueur est la suivante (cf. le guide des procès contre les abus sexuels) :

Quand l'évêque diocésain apprend la survenance d'un nouveau délit possible d'abus sexuel commis par un clerc (que ce soit par dénonciation explicite ou par un autre moyen), il ordonne une enquête préliminaire, écoutant l'accusé et les témoins, afin de déterminer si les indices ou preuves sont fondés (c. 1717). A l'issue de l'enquête, si les preuves et indices sont corroborés, l'évêque doit prendre trois mesures : 1) informer des faits la juridiction étatique pour qu'elle soit saisie de l'affaire ; si celle-ci a été saisie par une autre voie, l'évêque offre la collaboration de l'Église pour aider à l'éclaircissement des faits ; 2) envoyer immédiatement le résultat de l'enquête canonique au Saint Siège pour qu'il détermine comment il y a lieu de traiter l'affaire (ou bien directement par la Congrégation pour la doctrine de la foi, ou bien devant le tribunal ecclésiastique du diocèse) ; 3) l'évêque doit prendre des mesures (par exemple la suspension du clerc tant que le procès civil et/ou canonique est ouvert); ces mesures peuvent aussi être ordonnées par la Congrégation.

Habituellement, le Saint Siège confie le jugement pénal canonique au tribunal de chaque diocèse, lequel tient la Congrégation informée afin qu'aucun fait ne reste impuni. La Congrégation peut se réserver les cas les plus graves ou les plus délicats.

La réforme de Benoît XVI consiste précisément dans cette intervention du Saint Siège, car auparavant cela relevait de chaque diocèse. Dans la constitution de l'Église, chaque évêque a son propre pouvoir juridictionnel, le Saint Siège n'intervenant que de façon subsidiaire, c'est-à-dire lorsque le pouvoir local n'a pas les moyens d'assurer la procédure. Benoît XVI a décidé de remédier aux graves erreurs commises par quelques évêques qui n'avaient pas poursuivis les délits avec une responsabilité suffisante (souvent en raison d'une conception erronée de la miséricorde envers le pécheur leur faisant oublier la justice due aux victimes). Les délais de prescription applicables à ces délits qui étaient très brefs, 10 ans, ont été augmentés à 20 ans. La prescription commence à courir à compter de l'âge de la majorité de la victime, ceci afin que les mineurs aient le temps nécessaire pour dénoncer un délit après être devenus majeurs.

Le Saint Siège publie sur le web une page consacrée entièrement aux textes canoniques et aux documents pour lutte contre ces délits. En particulier, la lettre de la Congrégation de la doctrine pour la foi du 21 mai 2010, ainsi que la lettre récente du pape François du 2 février 2015 relative aux mineurs.

CONGRÉGATION POUR LA DOCTRINE DE LA FOI : LETTRE CIRCULAIRE pour aider les Conférences épiscopales à établir des Directives pourle traitement des cas d'abus sexuel commis par des clercs à l'égard de mineurs

Cf. http://luttercontrelapedophilie.catholique.fr/